La Bingham Cup : une compétition haute en couleur
En août dernier, Ottawa accueillait l’événement de la Bingham Cup, un tournoi mondial de rugby inclusif. Jacqueline Camley, thérapeute du sport, s’est jointe à l’équipe médicale pour quelques jours et elle a accepté de nous partager son expérience.
Qu’est-ce que la Bingham Cup plus en détails?
L’événement est en fait un championnat bisannuel de rugby gai et inclusif organisé par International Gay Rugby (IGR). Sans être exhaustive dans la mission de l’association et de l’événement, le but est de permettre à tou.te.s de participer à ce sport sans discrimination quant à leur orientation sexuelle, identité de genre, etc. Tout le monde est accueilli à bras ouverts. Cette année, Ottawa était la ville hôtesse, succédant à Amsterdam en 2018 (2020 a dû être annulé, on se demande pourquoi). Personnellement, je ne connaissais pas cette organisation d’emblée. Je me suis impliqué au sein de l’équipe médicale à la suite d’une publication sur Facebook.
Comment s’est déroulé ta participation en tant que thérapeute au sein d’une compétition LGBTQ+?
L’ambiance générale de l’événement était très familière, amicale. Personnellement, j’ai reçu beaucoup de remerciement et de reconnaissance de la part des athlètes. C’est agréable de se sentir utile. J’ai surtout fait face à des évaluations de retour au jeu rapide quelques gestions de commotions et des blessures classiques. Lors des interventions, les athlètes avaient confiance en nous, et notre jugement professionnel n’était pas automatiquement remis en question. Même si l’événement a un aspect ludique et amusant, il s’agissait d’un championnat en bonne et due forme, donc la compétition était sérieuse (et le niveau de jeu, bon). De pouvoir pratiquer ma profession dans un environnement comme celui-ci, sans devoir justifié à outrance mes recommandations (de retrait du jeu surtout), cela représente une expérience de croissance professionnelle plus qu’enrichissante.
Crois-tu que ce genre d’événements ouvertement LGBTQ+ ont un réel impact?
Bien honnêtement, oui! Si on regarde précisément la Bingham Cup et l’IGR, les valeurs d’inclusion et de respect sont au cœur même de leur mission. Les organisations reliées donc à la ligue doivent être des espaces sûrs pour quiconque se joint à celles-ci. Même en 2022, il y a encore beaucoup de violence dans le sport. Concernant les communautés LGBTQ+, on peut facilement être témoin de microagressions au sein même de la culture des sports. Que ce soit pour « blaguer » entre coéquipiers ou pour narguer l’équipe adverse, il est encore trop commun d’entendre des insultes à caractère homophobe, par exemple, dans ce genre de contexte. Un athlète LGBTQ+ souffrira de ce genre de discours insidieux, même s’iel évolue théoriquement au sein d’une organisation qui condamne l’homophobie dans l’espace public. Des ligues comme l’IGR permettent aux athlètes de pratiquer un sport, sans épée de Damoclès au-dessus de leur tête, sans devoir se surveiller pour éviter d’attirer les railleries des autres, comportement plutôt classique des populations LGBTQ+ dans des environnements où ils ressentent le besoin de passer inaperçu. Autre situation, lorsqu’une personne LGBTQ+ décide de s’affirmer, il y a une tendance à la séparer du lot, directement ou inconsciemment, comme une bête de foire. Dans des organisations qui promeuvent l’inclusion, ces mêmes personnes peuvent tout simplement être elles-mêmes, sans se sentir comme une attraction ou encore le porte-étendard d’une cause qu’on leur impose. Il y a quelque chose de beau à voir quelqu’un exprimer pleinement et librement sa personne sans honte, sans gêne et sans retenue.
Penses-tu qu’en tant que thérapeute du sport, on peut aider à améliorer la situation?
Oui, certainement! Le plus simple (mais pas toujours facile à faire), c’est de réagir lorsque l’on est témoin de comportements problématiques comme ceux mentionnés juste avant. En tant que thérapeutes, nous avons tout de même une certaine position d’autorité auprès des athlètes. De les éduquer, et parfois même, les réprimander littéralement sur des discours homophobes, misogynes, transphobes, etc., peut avoir un plus grand impact que l’on pense. Et plus on désamorce ce genre de mentalité nocive jeune, mieux c’est. Donc, à tous les niveaux de pratique sportive, le thérapeute du sport peut agir. D’un autre côté, je crois qu’il faut aussi continuer à bien éduquer les thérapeutes, leur apprendre à mettre le patient au centre de leur intervention. Pratiquer la thérapie du sport sur des données probantes, c’est important, mais parfois un peu froid. Il ne faut donc pas oublier l’aspect humain dans notre approche et être réceptif à la réalité d’autrui. Les expériences personnelles d’un individu vont influencer son comportement, et cela est aussi valable lorsqu’on parle d’un processus de guérison, ou de la gestion d’une blessure. Les thérapeutes du sport n’ont pas à être infaillibles et tout connaitre, mais déjà, s’ils prennent le temps d’écouter le patient devant eux et de ne pas le standardiser dans un moule, cela ne pourra qu’augmenter la valeur et la qualité du traitement prodigué. Dernièrement, je dirais que la représentation est primordiale. Le sentiment de sécurité et d’inclusion d’un athlète LGBTQ+ est directement affecté par le soutien offert par l’association auquel iel appartient. Avoir des affiches indiquant clairement les valeurs d’inclusivité d’un organisme, un collant dans une fenêtre, s’introduire avec ses pronoms, afficher une épinglette sur sa trousse de taille, il s’agit là d’autant de manières de visuellement démontrer notre soutien et ainsi, ainsi aider les membres de la communauté LGBTQ+ à se sentir plus à l’aise.
Merci Jacqueline pour le partage de ton expérience. Nous espérons que tou.te.s en retireront un petit quelque chose.