Dans la cour des grands
Cet été, Toronto enfilera sa tenue de sport et chaussera ses espadrilles en l’honneur des Jeux panaméricains et parapanaméricains. Ces compétitions réuniront au sein de la métropole moult athlètes de tous âges, niveaux et disciplines. C’est dans cet esprit d’effervescence que Christina Grace, thérapeute du sport certifiée depuis près de 14 ans, a joint le comité des équipes nationales des Jeux parapanaméricains dans le but de les aider à accomplir leur rêve de succès. Nous avons récemment rencontré Christina afin qu’elle partage avec nous les différentes facettes d’un événement d’une telle envergure.
Quel est ton rôle au sein de l’équipe canadienne en prévision des Jeux parapanaméricains ?
Le comité m’a désignée thérapeute en chef des équipes canadiennes. Au total, quatorze disciplines seront représentées par le Canada. De ce nombre, cinq équipes ne seront accompagnées d’aucun personnel médical. Les autres auront leur personnel, mais pas nécessairement des thérapeutes du sport. Par exemple, l’équipe de natation est accompagnée d’entraineurs et de massothérapeutes. Toutefois, s’ils se blessent, ils pourront venir me voir. Mon rôle durant les jeux sera donc principalement de traiter les athlètes de toutes ces équipes.
Quelles ont été les démarches pour obtenir ce poste ?
La démarche est semblable pour tous les grands événements. Il existe au sein de l’ACTS un comité de sélection. Lorsqu’une compétition d’envergure se prépare, le comité lance un appel de candidatures. Les intéressés, comme moi, doivent alors remplir une demande. Après analyse des candidatures, le comité soumet ensuite à Équipe Canada, qui prendra la décision finale, la liste des individus qu’il recommande. Le comité de l’ACTS considère principalement l’expérience des candidats. Il existe un système de pointage qui permet d’évaluer les différents événements auxquels un thérapeute a participé et qui constitue un barème de sélection standardisé..
Quel a été ton parcours personnel pour te rendre là ? À quel autre grand événement as-tu participé dans le passé ?
Personnellement, j’applique sur les postes des compétitions élites depuis que j’ai obtenu ma certification. Au début, ma candidature n’était pas retenue, mais je continuais à postuler et j’ai eu ma première opportunité en 2005 avec les Jeux du Canada d’été. J’ai par la suite eu la chance de travailler lors des quatre éditions suivantes, jeux d’hiver et d’été, en alternance. J’ai aussi participé aux Jeux olympiques de la jeunesse d’Innsbruck et de Nanjing. Avant d’entamer ce parcours formidable, j’ai tenté d’acquérir autant d’expérience que possible localement. Ma participation aux différentes éditions des Jeux du Québec, du Défi sportif et du IronMan à Tremblant ne sont que quelques exemples du genre d’événements dans lesquels je me suis impliquée.
Quels conseils donnerais-tu aux thérapeutes qui désirent participer à ces grands événements ?
À mon humble avis, la première règle à garder en tête est « diversité d’expériences ». La participation à des événements majeurs demandera aux thérapeutes de s’occuper de plusieurs disciplines. Un candidat ayant une expérience diversifiée sera davantage un atout au sein de l’équipe médicale. Tous les événements comptent dans votre c.v. N’en sous-estimez aucun. Une expérience de thérapeute en chef pour un tournoi local est aussi valable qu’un poste de premier répondant au Marathon Oasis. En deuxième lieu, le « networking » est aussi un bon allié. Bien qu’il vous faille de l’expérience, rencontrer d’autres thérapeutes ou encore des responsables d’événements vous aidera à vous faire un nom. Un dossier bien étoffé accompagné d’un nom que l’on reconnaît fera vraisemblablement meilleure impression que celui d’une personne anonyme. La conférence annuelle de l’ACTS est un bon moment pour pratiquer ce réseautage professionnel.
Participes-tu aux préparatifs pré-événementiels en tant que thérapeute en chef?
Oui, et depuis un moment déjà. Tout a débuté en mars avec une rencontre de cinq jours à Toronto. Nous avons entres autres discuté des différents besoins et visité les sites d’hébergement et de compétition, les différents plateaux, etc. De mon côté, j’ai pris contact avec les professionnels des équipes afin de connaître leurs besoins spécifiques et j’échange régulièrement avec le médecin en chef. Je dois prévoir le matériel de notre clinique : équipements, modalités, médicaments, etc. En ce moment, j’en suis principalement à m’assurer d’avoir toutes les autorisations d’usage à des fins thérapeutiques. Il s’agit de formulaires autorisant les athlètes à utiliser certains médicaments normalement bannis en compétition.
Ton dernier point nous amène à poser une question bien spécifique à ta situation : nécessites-tu une préparation spéciale pour les conditions des para-athlètes ?
En effet, les para-athlètes demandent une certaine préparation, mais pas au niveau du traitement des blessures. Après tout, une entorse est une entorse, même si l’athlète ne possède qu’une jambe. Cependant, certains handicaps sont associés à des troubles systémiques qui peuvent provoquer des crises. Il est donc primordial de connaître les différents signes et symptômes associés. Heureusement, j’ai de bonnes ressources. Le médecin en chef m’est d’une aide précieuse et me transmet nombre d’articles sur les différentes conditions médicales à surveiller. Il possède un bagage impressionnant d’événements à son actif. Dans mon entourage, je connais aussi quatre thérapeutes du sport se spécialisant ou ayant une forte expérience avec les para-athlètes. Ils représentent une banque d’information inestimable en vue des jeux.
Pourquoi as-tu postulé sur ce poste précisément?
Les parapanaméricains sont pour moi une autre occasion de vivre la profession que j’adore. Le rôle précis de thérapeute en chef était plus alléchant dans cette situation-ci, car il représentait un défi tout en me gardant dans ma zone de confort. Premièrement, les jeux ayant lieu au Canada, je n’ai pas à me renseigner sur le système de santé, ce qui rend la tâche beaucoup plus facile. Les professionnels de la santé avec qui j’aurai à interagir possèdent tous des formations dont je connais la qualité, puisqu’ils viennent d’ici. Les standards sont donc constants. De plus, le nombre d’athlètes présents est moindre que dans d’autres compétitions, ce qui rend la tâche moins lourde à porter, bien qu’il s’agisse d’une nouvelle clientèle pour moi. D’un autre côté, ce dernier point est positif puisque je pourrai ajouter à mon c.v. cette catégorie d’athlète. Dans un autre ordre d’idées, je me considère privilégiée de pouvoir compter parmi mes contacts professionnels de nombreuses personnes ayant déjà rempli les chaussures que je m’apprête à chausser. Je peux compter sur leur expérience si jamais j’ignore comment régler certaines tâches qui m’incomberont.
Es-tu nerveuse ?
Bien honnêtement, oui. Beaucoup de facteurs sont du domaine de l’inconnu. Bien que les athlètes présents soient de haut niveau, les spécificités médicales de chacun sont ma plus grande crainte. J’aurai à ma charge plusieurs athlètes « séniors », ce qui peut amener son lot de situations problématiques, et ce malgré leur préparation et leur expérience. Je dois aussi surveiller les signes et symptômes d’une condition spécifique qui peut s’avérer létale : la dysréflexie autonome. Il ne s’agit que d’une condition parmi tant d’autres, mais dans ce cas-ci, certains athlètes utilisent la dysréflexie autonome comme dopage naturel, puisqu’elle est accompagnée d’une montée d’adrénaline qui peut aider à augmenter leur performance. La faim justifie les moyens semble-t-il !
Pour terminer, voici quelques questions en rafale :
Plus bel endroit visité dans un contexte de grands jeux ? Innsbruck
Plus grand choc culturel ? Les Jeux de la Francophonie au Liban
Plus agréable ? Jeux du Canada de Whitehorse
Un élément clé qui peut aider les candidats à obtenir un poste ? Parler le français
Découverte la plus étonnante ? Le Comité olympique et le Comité paralympique n’ont aucun lien entre eux, mais réellement aucun !
Prochaine étape ? Idéalement les Olympiques de Rio au Brésil!
Nous souhaitons à Christina tout le succès qu’elle mérite dans cette expérience. Elle nous a d’ailleurs promis un reportage photo pour la prochaine édition de l’infolettre. À surveiller !
Eric Grenier-Denis, CAT (C)
Directeur général